Noms de rues à Saintes 1940-1945
Il est assez fréquent de donner le nom de héros ou de victimes de guerre à des rues. A Tubize, c’est la Première Guerre Mondiale qui fut commémorée de cette manière avec la rue de la Déportation, la rue des Frères Taymans, la rue des Frères Vanbellinghen. On peut y ajouter la rue des Déportés à Clabecq. Saintes et surtout Clabecq ont plutôt commémoré la Seconde Guerre Mondiale en baptisant certaines rues.
Rue Julien Marsille
« J’eus l’occasion de lui serrer la main dans la matinée du 7 septembre [1944]. Au dehors, il pleuvait, le ciel était sombre mais à l’intérieur du bureau de la Maison communale, la joie était à son comble. De nombreux amis tenaient à témoigner à Monsieur Marsille, profondément ému, l’expression de leur sincère amitié. »
C’est par ces mots que Paul Marchal, instituteur en chef de l’époque, termine la relation de ses souvenirs de guerre. C’est ainsi aussi que s’achevait, par un heureux dénouement, l’odyssée du secrétaire communal de Saintes, arrêté par les Allemands quelques jours plus tôt et déporté vers l’Allemagne dans le célèbre « Train fantôme ».
Julien Marsille était un fonctionnaire exemplaire. Compétent, perpétuellement au service de ses administrés, il laissa un souvenir impérissable auprès de tous ses concitoyens.
Né à Saintes le 15 janvier 1877 dans une famille d’ouvriers, il était entré, en 1912, à l’administration communale. Protégé du bourgmestre Adolphe Dupont, proposé par ce dernier au poste de Secrétaire communal, Julien Marsille fut le véritable enjeu des élections communales de 1911 qui déchirèrent la population en deux clans. Ses partisans ayant remporté les élections, il fut nommé secrétaire communal de Saintes le 14 janvier 1912. Vingt cinq ans plus tard, les opposants d’alors lui adressaient un vibrant hommage et rappelaient notamment que « la Maison communale, qui dans le passé avait été tantôt la maison d’un clan, tantôt celle d’un autre, à partir de 1912 (…) est devenue et est restée la maison de tout le monde ».
Les qualités de l’homme faisaient l’unanimité. Son rôle durant la Grande Guerre aussi. Déjà en 1914-1918, Julien Marsille orchestra la résistance à l’occupant : sabotage administratif, refus de fournir les listes de chômeurs, freinage dans l’exécution des réquisitions, etc.
Agé de 63 ans en 1940, handicapé et d’une santé précaire, il entra à nouveau dans la Résistance. Ses fonctions dans l’administration lui permettaient de jouer un rôle essentiel dans la lute contre l’occupant. Il facilita les vols, organisés de concert avec la Résistance, de timbres de ravitaillement, de papiers officiels, de cartes d’identités vierges, des registres de populations, cachés ensuite dans un caveau au cimetière, etc. Il trafiqua les registres officiels pour protéger les réfractaires et fit tout ce qui était en son possible pour empêcher au maximum les réquisitions. A côté de cette activité cachée, Julien Marsille était aussi particulièrement actif dans le domaine associatif, notamment dans le secours aux prisonniers de guerre et à leurs familles.
Devant l’avancée des troupes allemandes, nombreux sont les habitants qui prirent le chemin de l’exode. Le 16 mai au soir, le Bourgmestre de l’époque abandonna son poste sans en avertir personne et sans que l’ordre formel et officiel d’évacuation n’ait été donné. Le lendemain matin, ayant appris la fuite de son chef hiérarchique et devant l’absence d’autorités communales dans le village, Julien Marsille se résolut à suivre sa famille sur les route de l’exode. De retour à Saintes le 10 juin 1940, il risquait des sanctions pour abandon de poste. Après avoir entendu ses justifications, le Conseil communal décida qu’il n’y avait pas lieu de lui appliquer une sanction disciplinaire et lui exprima même toute sa sympathie et lui garda une pleine et entière confiance. Cela n’empêcha pas une personne – dont nous tairons le nom -, animée d’un sentiment de vengeance à l’égard du Secrétaire communal, de le dénoncer aux autorités occupantes. Cette dénonciation calomnieuse arriva rapidement à la connaissance des autorités communales et provoqua une vigoureuse réaction en faveur du Secrétaire communal.
Julien Marsille fut maintenu dans ses fonctions durant toute la guerre, même après l’ordonnance allemande du 7 mars 1941 prescrivant le rajeunissement des cadres et décrétant que ceux qui exerçaient une fonction publique cessent définitivement de l’exercer à 60 ans. Julien Marsille aurait donc du se retirer. Mais c’était sans compter sur la volonté des habitants de maintenir leur Secrétaire communal dans ses fonctions. Lorsque l’intérêt général exigeait le maintien en service d’un fonctionnaire ayant atteint la limite d’âge, des exceptions pouvaient être accordées. Alors qu’aucune dérogation ne fut demandée pour le Bourgmestre, également tombé sous le coup de l’ordonnance du 7 mars 1941, le Conseil communal sollicita l’autorité compétente afin de maintenir Julien Marsille dans l’exercice de ses fonctions. Les arguments avancés étaient « sa carrière ininterrompue de presque 30 années, sa parfaite connaissance de ses administrés, son expérience acquise pendant la première guerre et le prestige incontestable dont il jouissait dans la population ». Pour appuyer cette requête, une pétition fut lancée. Sur les 800 ménages que comptait le village de Saintes, 795 apposèrent leur signature en bas du document. Le Secrétaire communal fut maintenu dans ses fonctions, qu’il exerça à la satisfaction de tous jusqu’en 1946.
Julien Marsille faisait partie d’un groupe de Résistants qui se réunissaient souvent chez lui, rue de la Station.
En août 1944, galvaudés sans doute par l’approche des troupes alliées, des Résistants firent irruption dans la Maison communale de Saintes et exécutèrent un officier allemand qui s’y trouvait pour exiger la livraison de réquisitions. Ne le voyant par rentrer, les allemands dépêchèrent des soldats pour interroger les gens sur cette disparition. Les événements ayant eu lieu à la Maison communale, ils s’en prirent immédiatement au Secrétaire communal. Dans un café voisin, la patronne, dont le fils, Résistant, avait sans doute été dénoncé, soutint aux enquêteurs qu’elle n’avait pas de fils. Elle demanda au Secrétaire communal de le confirmer, ce que Julien Marsille fit, tandis qu’une autre personne affirmait le contraire. Il fut immédiatement arrêté pour avoir menti et avoir soutenu la Résistance. Lorsqu’on se rendit compte qu’il appartenait aussi à la Résistance, l’attitude des Allemands se fit plus sévère. Les témoins de ces événements rapportent qu’on lui aurait dit cette phrase terrible : « Regardez bien votre beau clocher de Saintes, car ce sera la dernière fois. Si nous ne parvenons pas à arrêter les coupables de l’assassinat de notre collège, les représailles seront terribles. Nous commencerons par tuer votre fille ».
Il est probable que les allemands projetaient de prendre des habitants en otages et peut-être d’en exécuter. L’avance rapide des alliés les en empêcha.
Julien Marsille, lui, avait été emprisonné à Bruxelles. Le 2 septembre, il embarqua à la gare du Midi dans un train à destination de l’Allemagne. Ce train, le fameux « Train fantôme », n’ira jamais plus loin que la gare de Malines, grâce au courage des cheminots qui firent tout pour empêcher son départ. Le lendemain, 3 septembre, de retour en garde de Bruxelles, les occupants du train sont libérés. Julien Marsille peut alors rentrer dans son village de Saintes où il est accueilli en héros.
Julien Marsille décédera en septembre 1959. En 1960, on inaugurait dans le village une rue à son nom.
Rue des Frères Verkleeren
Frans Verkleeren, né le 19 avril 1911, était Chef de détachement de la 2e Compagnie des Partisans Armés du secteur du Brabant. Il fut fusillé à Braine-le-Château le 4 septembre avec un autre Partisan Armé, Richard Faut.
Gustave Verkleeren, né le 7 novembre 1919, fut arrêté le 29 juin 1944. Rescapé de Breendonk, il est décédé en mars 1945 entre Leonberg et Beren-Belsen (Allemagne).
Roger Verkleeren, né le 5 septembre 1922, fut également arrêté le 29 juin 1944. Rescapé de Breendonk, il est décédé le 22 janvier 1945 à Valhingen (Allemagne).
Le 29 juin 1944, les trois frères, Partisans Armés, étaient en service commandé et recherchaient des parachutistes anglais lorsqu’ils furent surpris par une patrouille allemande dans un bois à Saintes. Gustave et Roger ont été arrêtés et envoyé à Breendonk puis en captivité en Allemagne. Frans, qui s’était enfui, fut repris le 4 septembre et fusillé dans un bois à Braine-le-Château.
© L. DELPORTE – Musée ‘de la Porte’ à Tubize